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"Bains Publics" 

Portraits d'usagers

Avec un dispositif, studio au sein des bains

Construits dans les années 1930 en pleine période hygiéniste, les bains douches accueillent plus d’un million d’usagers chaque année. Ils reçoivent essentiellement des précaires : sans domicile, étudiants, retraités, travailleurs pauvres, voyageurs, avec ou sans papier.

Florence Levillain fait dialoguer ces usagers avec une photo clinique des lieux.

Elle photographie ses modèles face à un miroir sans tain pour qu'ils puissent maîtriser leur image.

La course d'obstacles pour obtenir des autorisations et gagner la confiance de chacun a indirectement influencé son écriture dont l’originalité prend le contrepied du reportage social.

Les gestes et les moments codifiés face au miroir s’enchaînent : rasage, coiffure, habillage, maquillage... La diversité sociale des usagers est frappante et la précarité a parfois des visages inattendus : beaucoup d’hommes, des femmes, mais aussi des couples et des familles profitent des douches publiques, gratuites depuis 2000, pour rester propre et digne.

De l’évidente « absence de sanitaires » découlent des récits vécus ou fantasmés. Richard, jeune danseur, loge dans les sous-sols de La Défense pour s’exercer sans contrainte. Hayley, jeune fille au pair, vit dans une chambre de bonne sans eau sur la très chic île de la Cité. Xu, récemment licenciée du textile, vient d’emménager dans sa voiture. Charlie, crooner professionnel, vit lui dans un foyer. Steven, roumain supporteur de l’équipe nationale de football, les « Tricolorii », est à Paris pour l’Euro et séjourne dans un hôtel borgne. Les histoires de séparations et d’exils, toutes uniques, sont nombreuses. Tous se croisent sans se rencontrer et privilégient la discrétion. Les bains sont propices à cette retenue.

De longs couloirs rythmés par des portes donnent accès aux douches et organisent implacablement les circulations vers une salle commune ou la photographe a installé son dispositif. Les huisseries outremer, carmin, les murs blanc éclatant, bleu piscine ou jaune citron, plantent le décor dans l’univers acidulé du cinéaste Jacques Demy.

Couleurs, cadrages, éclairages et excès de forme, heurtent nos certitudes sur l’image que nous nous faisons de la pauvreté. L’artifice fait éclater une vérité sombre sans concession et transforme ces histoires en romans.

Les photographies de Florence Levillain ne sont pas consensuelles, elles déstabilisent, dérangent et dérogent aux codes du récit photographique humaniste.

Frédérique Founes - Signatures

 

Florence Levillain a reçu la bourse « La France vue d’ici » pour « Bains publics », un projet soutenu par la Région Ile de France.

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